Une femme cheffe de village. En Afrique, cela n’existe presque pas. À Guialopleu, un village quartier de la commune de Danané, dans la région du Tonkpi, c’est pourtant une réalité. Jean Monique, cette femme dirigeante s’est confiée à ouestmedia.ci dans cet entretien.
Qui est Jean Monique et d’où est-ce qu’elle vient ?
Je suis maman Jean Monique. Je suis native de Guiialopleu et fille de chef terrien. Je suis également mère de 9 enfants. J’ai fait l’école catholique des filles de Danané. Je fais partie de la première promotion de cette école. J’ai fait mon enfance ici à Danané, puis pour des raisons scolaires, je suis partie à Guiglo et Abidjan. Côté professionnel, j’ai été fille de salles au CHU de Cocody à Abidjan au temps du ministre Alphonse Djédjé Mady et j’ai terminé mon service au port autonome d’Abidjan. Je suis aujourd’hui à la retraite.
Comment êtes-vous venue à la tête de la chefferie de votre village ?
Ma venue à la chefferie vient de ce que je suis membre d’une grande famille qui a toujours géré la chefferie. Mes arrières grands-parents avaient deux enfants, un homme et une femme. Naturellement, c’est du côté de l’homme que les chefs ont été désignés jusque-avant mon arrivée. Cela a continué jusqu’au petit fils, Gueu Émile. Après son décès, le côté de mon grand-père était épuisé. Naturellement donc on a regardé du côté de ma grand-mère qui avait eu quatre filles. Regardant la lignée de son côté, il se trouve que c’est moi l’aînée des enfants de ma maman. C’est ainsi que j’ai été désignée cheffe courant novembre 2021.
Dans la tradition Yacouba, le rôle de chef est dévolu aux hommes. Mais vous, vous êtes une femme. Quel regard les autres chefs portent sur vous ?
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Lorsque je me suis présentée aux autres chefs, ils étaient heureux de ce changement. Ils m’ont encouragé. Pour eux, s’il y a des femmes ministres, présidentes de le République, députées et maires, pourquoi pas une femme cheffe de village, de quartier et j’en passe. À Logoualé, une femme est cheffe de tribu, à Bangolo, une femme est cheffe de village, à Zouan-Hounien, une femme est cheffe de quartier. Les exemples sont légion. Pourquoi pas dans notre canton Ouinneu de Danané ? Je suis toujours la bienvenue parmi les chefs qui m’ont accueilli les bras ouverts. Il n’y a pas d’histoire entre nous. Je les regarde et je veille sur eux. Dans les assemblées, quand ils laissent traîner des bouts de papier et autres ordures, je mets de l’ordre. Je veille sur eux en quelque sorte comme une mère.
Aujourd’hui des voix s’élèvent pour vous denier la qualité de cheffe. Un commentaire ?
Nous sommes dans un village où on ne peut pas plaire à tous. On ne peut pas être aimé à 100%. J’ai mes hommes, j’ai le peuple avec moi. Pour choisir un chef, il faut regarder le comportement, la sagesse surtout. Ce n’est pas tout le monde qui peut diriger un peuple.
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Quel message avez-vous à l’endroit de tous ceux qui continuent d’avoir un regard négatif sur vous ?
Tous ceux qui grognent, sont mes enfants. Certains fils d’ici et d’autres sont des enfants dont les parents ont acheté des terrains chez nous ici pour s’installer. Mais je ne fais aucune distinction. Ce sont mes enfants, je les invite à venir pour qu’ensemble nous travaillions. Malgré les bruits j’avance. J’ai aujourd’hui 61 ans, je ne vais pas regarder les enfants qui sont aussi mes enfants pour me détourner de l’essentiel. Celui de conduire les populations de ce village. On dit le chien aboie et la caravane passe.
Nous sommes en année électorale, votre message pour des élections apaisées.
En tant qu’une maman, je demande à tous les politiciens de s’entendre. Nous ne voulons plus la guerre. Nous sommes fatigués et ma prière est que nous regardions à ce qui peut nous unir.
Réalisé par Ashley Oulaï, envoyée spéciale à Danané
OM – 07/23
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